Il n'aura fallu que quelques semaines pour que ce jour devienne mon préféré, que je me surprenne à l'attendre le lendemain même de son évanouissement, quand la plongée dans les abysses du week-end vient me saisir avec mon envie de hurler que j'étouffe et que je voudrais juste une vie normale avec des enfants qui ne jouent pas aux plus malins avec mes nerfs. Le vendredi n'est plus une veille de parenthèse qui ne me fait plus rêver, il est un jour à part entière, un jour dont je dois profiter, dès que j'ai déposé Adélie dans sa classe et saisi au passage le menu de la cantine pour la semaine qui n'a pas encore commencé. Sur le chemin du retour de l'école, je laisse défiler la liste de tout ce que je veux faire, commençant par les devoirs imposés avant de songer aux petits plaisirs un peu égoïstes. J'ai trop souvent le sentiment qu'il manque quelques heures à mes jours et peut-être même quelques dates à mes semaines pour faire tout ce que j'aimerais. Et je sens la fatigue voûter mon dos, sans vraiment pouvoir ralentir... J'ai ouvert la fenêtre de la chambre des filles et j'ai changé leurs draps en songeant au plaisir qu'elles auraient le soir de se glisser au coeur de ce parfum de propre, sous la couette encore bien bordée sous le matelas et l'oreiller gonflé d'avoir été secoué au grand air. J'ai installé toutes leurs peluches au pied de leurs lits et j'ai rangé leur chambre pour que tout soit parfait. J'avais en tête cette petite robe à laquelle je réfléchis depuis quelques jours, un inédit pour Ondine qui grandit et qui s'est lassée du rose. Une robe de jeune fille un peu romantique, un peu mystérieuse. Une robe qui par son côté sombre la mettrait en lumière avec la blondeur de ses cheveux. Avant de couper l'étoffe, j'avais du linge à repasser, du courrier à envoyer, un cadeau à emballer... Mais je ne pensais qu'à la manière dont je pourrais fermer le dos, à la forme des petits boutons que je choisirais, à ce biais que j'ajouterais au bord des poches. J'ai monté et descendu la gamme de dos majeur, tenté d'avancer mon morceau de Schumann et rangé encore, ça et là, les vestiges des jours qui passent. Et puis l'instant béni est arrivé, comme une récompense. J'ai déplié le lin, j'ai laissé mes ciseaux tailler sans trembler parce que j'étais sûre de moi, tant j'avais pris le temps de penser à cette robe. Je savais qu'il me faudrait renoncer à la coudre sans faire de pause, qu'il me faudrait accepter de ranger les morceaux épinglés en attendant de retrouver un peu de temps au coeur de la course. Mais je voulais laisser cet ouvrage dans le panier juste derrière ma machine, comme un projet posé sur un tableau noir, sans date précise, comme un rendez-vous à fixer avec un vieil ami qu'on a hâte de retrouver...
6 commentaires:
Quel beau travail.
Ce qu'il y a de merveilleux dans ces textes est que nous nous retrouvons si bien dans ces sentiments exprimés.
Vivement vendredi prochain donc...
MAGNIFIQUE......j'admire les finitions. Comme aurait dit quelqu'une "tu as la façon".
J'imagine très bien ta p'tite mère en train de virevolter au parc....Et puis, y'a pas que le rose dans la vie!!!
Là, je pense que tu n'as pas cousu ton "peut mieux faire" tellement les petits plis sont nickels !!
Elle est magnifique. Le noir, il fallait oser et tu as eu raison... bravo, quel soin du détail, c'est beauuuu !
très beau et c'est vrai que ça fait "grande"; le noir c'est classe!
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