J'ai croqué à la hâte dans un sandwich un peu sec, rassemblé les affaires que j'avais préparées, notamment la petite liste de ce dont j'avais besoin, tout en sachant que je broderais mon nécessaire de quelques plaisirs chiffonnés ; j'ai fermé, les yeux sur le désordre laissé dans le salon, et la porte derrière ce qui m'aurait enfermée sur des devoirs qui pouvaient attendre. C'était l'heure de la cantine et, je ne sais pourquoi, j'ai regardé le ciel, comme pour lui envoyer mes prières pour que tout se passe bien pour celle qui attendait déjà l'heure des mamans dès son arrivée dans sa classe... J'ai cherché très vite un sujet de rêveries et je ne sais pourquoi, cette chanson est venue faire son nid dans mon esprit, m'occupant un petit moment à retrouver dans ma mémoire les paroles jamais apprises et le nom de la chanteuse. Peine perdue. "Sycomore" me plaisait depuis que j'étais petite. Comme "troglodyte" et "lumignon". J'ai fredonné, l'air de rien, pour rejoindre le bus qui me ferait traverser tout Paris, celui que j'aime, fait d'histoire de France que je n'ai jamais retenue et de visages défilant comme un film muet. J'ai vérifié dans le reflet de la vitre que je voyais toujours mes cils, comme je le faisais à vingt ans... j'ai aperçu un de mes anciens professeurs de neuropsychologie et j'ai eu beau chercher, il est resté anonyme. Je me suis rappelé son accent sud-américain et son calme olympien. Un jour, alors que je ne chercherai plus, son nom reviendra sans doute et je m'étonnerai une fois de plus des méandres de la mémoire.
Et le bus a continué, me faisant traverser une foule de souvenirs, de rencontres, de visages, de promenades. En passant devant le Louvre, j'ai éprouvé cet éternel sentiment d'avoir une chance incroyable de l'avoir si près. Il est des moments où, un peu mégalomane, j'ai l'impression que Paris est à moi. J'ai contourné l'Opéra, longé les galeries et je suis descendue au cimetière de Montmartre, sans trop savoir quelle direction prendre... Forcément une rue qui monte, pour rejoindre la butte. J'ai entendu les cris des enfants dans une cour d'école et j'ai repensé à mes quatre moineaux qui vivaient leur vie loin de la maison. A. était peut-être déjà sur son petit matelas, dans le grand dortoir, blottie contre sa souris rose sous sa couverture. Elle m'avait répété plusieurs fois avant que je la laisse "Après le repas, c'est la sieste ; ensuite, on joue un peu et puis c'est l'heure des mamans"... Alors, il me restait encore un peu de temps pour moi, dans cet endroit, le seul qui soit, où je perds la raison, où je me retrouve avec des sacs dans d'autres sacs, de plus en plus chargée, l'esprit plein de mille projets de couture, la veste couverte de petits fils accrochés à chaque caresse de tissu...
J'ai oublié de sortir la liste parfaitement établie avec cinq petits tirets, les uns sous les autres. Je me suis laissée entraîner par mon propre élan, prenant trois mètres de ce tissu parme pour une chemise de nuit, cette popeline grise pour refaire une robe... Et puis un peu de lin, parce que ça sert toujours... Cette chute de drap de laine qui fera un magnifique manteau pour O., elle qui ne veut plus de manteau anglais et qui commence à avoir des idées bien arrêtées sur sa deuxième peau d'hiver... Une toile taupe pour faire une besace pour F.... Une imitation de taffetas bleu pour coudre une robe de marquise pour Ondine, sans doute un cadeau pour Noël, ou pour la mi-Carême fêtée dans son école... Et puis deux autres cotons dans les tons de parme, juste comme ça, parce qu'ils sont beaux, et doux, et qu'on peut en faire ce qu'on veut... Peut-être la doublure du manteau et des tuniques... Et puis un écossais gris avec une pointe de rose, pour une petite robe de plus dans la penderie d'hiver... Non, ce n'était pas raisonnable et je sentais déjà mon envie de tailler prendre le pas sur l'emploi du temps serré du soir. J'avais hâte de montrer mes trouvailles aux enfants, oubliant qu'ils ne verraient que de grands morceaux de tissus, là où je distinguais déjà la forme de ce que je voulais coudre...
Et le bus a continué, me faisant traverser une foule de souvenirs, de rencontres, de visages, de promenades. En passant devant le Louvre, j'ai éprouvé cet éternel sentiment d'avoir une chance incroyable de l'avoir si près. Il est des moments où, un peu mégalomane, j'ai l'impression que Paris est à moi. J'ai contourné l'Opéra, longé les galeries et je suis descendue au cimetière de Montmartre, sans trop savoir quelle direction prendre... Forcément une rue qui monte, pour rejoindre la butte. J'ai entendu les cris des enfants dans une cour d'école et j'ai repensé à mes quatre moineaux qui vivaient leur vie loin de la maison. A. était peut-être déjà sur son petit matelas, dans le grand dortoir, blottie contre sa souris rose sous sa couverture. Elle m'avait répété plusieurs fois avant que je la laisse "Après le repas, c'est la sieste ; ensuite, on joue un peu et puis c'est l'heure des mamans"... Alors, il me restait encore un peu de temps pour moi, dans cet endroit, le seul qui soit, où je perds la raison, où je me retrouve avec des sacs dans d'autres sacs, de plus en plus chargée, l'esprit plein de mille projets de couture, la veste couverte de petits fils accrochés à chaque caresse de tissu...
J'ai oublié de sortir la liste parfaitement établie avec cinq petits tirets, les uns sous les autres. Je me suis laissée entraîner par mon propre élan, prenant trois mètres de ce tissu parme pour une chemise de nuit, cette popeline grise pour refaire une robe... Et puis un peu de lin, parce que ça sert toujours... Cette chute de drap de laine qui fera un magnifique manteau pour O., elle qui ne veut plus de manteau anglais et qui commence à avoir des idées bien arrêtées sur sa deuxième peau d'hiver... Une toile taupe pour faire une besace pour F.... Une imitation de taffetas bleu pour coudre une robe de marquise pour Ondine, sans doute un cadeau pour Noël, ou pour la mi-Carême fêtée dans son école... Et puis deux autres cotons dans les tons de parme, juste comme ça, parce qu'ils sont beaux, et doux, et qu'on peut en faire ce qu'on veut... Peut-être la doublure du manteau et des tuniques... Et puis un écossais gris avec une pointe de rose, pour une petite robe de plus dans la penderie d'hiver... Non, ce n'était pas raisonnable et je sentais déjà mon envie de tailler prendre le pas sur l'emploi du temps serré du soir. J'avais hâte de montrer mes trouvailles aux enfants, oubliant qu'ils ne verraient que de grands morceaux de tissus, là où je distinguais déjà la forme de ce que je voulais coudre...
22 commentaires:
Ah! Bien vrai, à Paris, Saint Pierre détient les clés du paradis!
Qu'il fait bon vivre quand même dans la capitale !!!! surtout pour les couturières !!
Bravo pour le titre ;)
Les coupons sont superbes et cela un vrai plaisir de découvrir les trésors confectionnés au fil des jours. Bonne soirée
Lor
J'ai hâte de connaître la suite, ce qu'il adviendra de ces grands morceaux de tissu... et j'espère qu'A. a finalement bien apprécié sa journée...
Juste te dire le plaisir que j'ai à te (re)lire...
Rose
Tu fais des heureuses, ma Poulette!
...et merci pour les boutons!...Ouhlala! Tu sais que j't'aime, toi!!!
Je suis jalouse....oui, parfaitement jalouse....
C'est pô juste.....ils sont superbes tous ces tissus.....et ici, rien nada, que dale......
M'enfin, c'est pas grave.....j'ai hâte de voir les merveilles que tu vas faire de tout ça :D
Comme Rose... pour la prose toujours aussi envoûtante !...
J'y ai trouvé (entre autres) le tisssu de ma robe de mariée (il y a quelque 10 ans) ; pas besoin de traverser Paris... à quelques stations de métro !
des tas de souvenirs se bousculent... dont maman qui semblait être rendue au "Paradis" !!!! :-))
Bonne couture !
Anne R.
la tu m'as vraiment fait envie....ce magasin je ne le connais pas...
Merci
souvenirs aussi
Un jour, je mettrai tout le monde à la cantine ET à la garderie , et je ferai l'aller retour banquise marché saint-Pierre. Un jour ...
en attendant je me régale de tes mots et je fais la ballade par procuration !
bonjour,
votre blog est vraiment magnifique et ça a été pour moi un régal de le parcourir. Je l'ai connu car je me mets moi aussi à la tendance poupée de chiffon et en voyant les merveilles que vous faites, je reste scotchée. aussi je me permets de vous demander à partir de quel support vous les avez crée, j'ai cru comprendre que c'est en kit? ou à partir d'un livre? pour les vêtements, à part citronille, ce sont vos patrons personnels?
enfin vous aviez proposé quelques tutos, alors là je vous suis complètement...
merci encore et à bientôt
jennie
Merci...
Quelques instants de bonheur à vous lire et à se souvenir des expéditions au Marché St Pierre. Merci.
Il me plairait beaucoup de faire ces courses là en ta compagnie... mais bon, je crois que nous ferions exactement les mêmes choix !
(merci de tes textes)
la capitale reste la capitale même pour les tissus! ici c'est la misère...enfin vu mes difficiles essais...
ces beaux tissus nous promettent de bien jolis posts à venir!
Merci pour cette jolie promenade, cela m'a rappelé beaucoup de souvenirs.
Et pour les tissus, je descendais toujours metro Blanche et je montais la rue en cherchant mon bonheur dans des petits magasins.
Merci pour cette jolie promenade, cela m'a rappelé beaucoup de souvenirs.
Et pour les tissus, je descendais toujours metro Blanche et je montais la rue en cherchant mon bonheur dans des petits magasins.
Une bien belle journée! Je viens enfin de transformer le coupon que tu m'avais si gentiment donné; il est devenu "nid d'ange" pour un amour de bébé...
la porte s'ouvre un peu du cote du point du jour ...
Ca fait du bien de te lire en effet ...
Belles aventures de careeaux et de parme a ces tissus au bout de tes doigts
kichante
Je viens de traverser Paris en bus et faire des courses de tissus avec toi!
Et cet air, c'est bon, je l'ai dans la tête pour la journée! :-)
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